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Kieran Ferragu

Wine trip en Loire (1/3)

Dernière mise à jour : 22 mai 2023

Quelques jours ont suffit pour nous rendre compte de la diversité et de la complexité incroyables du Chenin, cépage roi dans une grande partie de la Loire. Entre l'Anjou noir, où de nombreux vignerons s'affranchissent de la tradition des vins liquoreux (Layon, Chaume, Quarts de Chaume), et Vouvray qui présente un large éventail de styles, ces quelques jours d'immersion ont été révélateurs de la grandeur des vins de Loire. Une région qui ne cesse de se réinventer pour le plaisir des oenophiles et curieux amateurs.

La Parcelle des Treilles du domaine Belargus où la pente atteint plus de 60°


L'Anjou noir, l'avenir des Chenin secs de Loire


Appellation créée en 1954, ce n'est qu'en 1986 que l'AOC Quarts de Chaume est limitée à la seule production de vins liquoreux, et en 2011 elle obtient le statut de Grand Cru, le seul de toute la vallée de la Loire. Ces contraintes et l'introduction d'une hiérarchie à la Bourguignonne participent évidemment au prestige et à la renommée de ce terroir exceptionnel.


Et pourtant aujourd'hui une nouvelle génération de vignerons change la donne, par une prise de conscience de l'énorme potentiel du terroir de Chaume, Quarts de Chaume et Layon pour la production de Chenin sec. Les modes de consommation évoluent et de plus en plus de consommateurs se lassent des vins trop sucrés. Depuis le début des années 2010, de nouveaux vignerons s'installent avec une ambition forte : refaire de ce terroir un fleuron des grands Chenin secs de Loire en mettant en valeur l'expression du terroir par des vinifications parcellaires et une conduite extrêmement raisonnée et respectueuse de la vigne. C'est dorénavant la recherche d'une harmonie globale qui prédomine, et la biodiversité se retrouve au centre de toutes les attentions.



Parmi ces vignerons engagés, on retrouve Ivan Massonnat, propriétaire du Domaine Belargus. Ivan n'était pas destiné au monde viticole. Ce financier s'est épris du vin bien plus tard, au travers de rencontres et de dégustations qui ont forgé sa passion. La rencontre avec Jo Pithon, l'ancien propriétaire du domaine éponyme devenu Domaine Belargus après le rachat par Ivan en 2018, s'est d'ailleurs faite totalement par hasard. Ivan cherchait depuis quelques années à acquérir un domaine en Anjou par passion pour le Chenin de Loire. C'est lors d'un salon de vignerons que les deux visionnaires ont fait connaissance, puis tout est allé très vite. En quelques mois le rachat s'organise, et le domaine est agrandi par l'acquisition d'une quinzaine d'hectares supplémentaires sur les terroirs de Chaume, Quarts de Chaume et de Layon. Et le succès du nouveau domaine ne s'est pas fait attendre. Alors que tous les acteurs locaux l'attendaient au tournant, Ivan a rapidement démontré sa passion et son engagement pour la reconnaissance de l'appellation, l'évolution vers une viticulture parcellaire et la mise en valeur des terroirs locaux. Cet engagement l'a vite propulsé à la co-présidence de l'appellation Quarts de Chaume Grand Cru, où il oeuvre pour le retour des grands Chenin secs dans l'appellation. Il a su gagner la confiance des autres acteurs de l'appellation, en s'entourant d'une équipe jeune, dynamique et partageant sa même philosophie avant-gardiste.


La gamme du domaine, d'une belle diversité, est fondée sur la viticulture parcellaire, destinée à révéler tout le potentiel du terroir de Quarts de Chaume et du Layon. Plantées sur des sols variés (schiste, calcaire et poudingue), les vignes sont de réelles éponges à terroir, apportant à chaque cuvée un profil bien spécifique. C'est là toute le secret du style du Domaine. Déjà quelques années après la reprise du domaine, les vins affichent des niveaux de qualité remarquables, que Jo Pithon lui-même n'avait pas réussi à atteindre. La visite du vignoble est révélatrice du travail effectué au domaine, entre minutie et exigence, et toujours dans le respect de la terre. La parcelle mythique des Treilles, plantée à l'époque par Jo Pithon, en est l'exemple parfait : une parcelle de Chenin exposée plein sud sur un coteau abrupte et entourée d'une nature florissante. Y poser le pied permet de se rendre compte de l'extraordinaire biodiversité qui y règne. Vous n'avez qu'à fermer les yeux et écouter les très nombreux oiseaux chanter et converser au milieu des arbres caressées par le vent. Un petit coin de paradis qui vous fait frissonner, et dont émanent les plus grands Chenin de Loire.


À la cave c'est Adrien qui tient la barre d'une main de maître. Tout droit sorti des études, avec seulement quelques expériences en France et à l'étranger, Adrien fait preuve d'une incroyable maturité dans ses vins. Il travaille main dans la main avec Ivan pour traduire la philosophie du propriétaire dans les vins du Domaine, tout en ajoutant sa propre touche. Chaque année est un challenge supplémentaire, et l'équipe ne manque pas d'ambitions. Un nouveau chai de vinification est en aménagement et les vins gagnent chaque année en précision et en profondeur. Même si chaque cuvée a sa propre identité, reflétant son terroir, nos coups de coeur se portent sur les Ruchères pour Kieran, et sur les Treilles pour Pierre.

Un domaine qui a un bel avenir devant lui et qui est à suivre absolument !



Il ne nous aura fallu que quelques minutes pour rejoindre un autre domaine nouvellement créé, non loin de là, au haut de la colline de Chaume. C'est ici que Vanessa Cherruau s'est installée en rachetant le Château de Plaisance. Même si elle souhaite se détacher de la philosophie de l'ancien propriétaire et trouver sa propre voie (que l'on vous propose de lire ci-après), Vanessa a voulu préserver une partie de l'héritage qu'elle a repris, d'où le nom Ch. de Plaisance : châtelaine pour l'histoire du domaine mais pas pour son esprit avant-gardiste et disruptif.


Si l'on devait résumer la philosophie de Vanessa en 3 points, on retiendra son éco-responsabilité engagée et sincère, sa passion pour les Chenin secs d'Anjou et son engagement dans les appellations Chaume et Quarts de Chaume.

En ce qui concerne l'écologie, on ne saurait énumérer l'ensemble de ses initiatives tellement sa conscience environnementale est aboutie. Le travail de la terre, la réalisation d'un bilan carbone complet, la réintroduction de la biodiversité dans le vignoble, la plantation de haies dans les parcelles, l'absence de traitements chimiques, la permaculture, le choix d'une bouteille la plus légère possible et le refus de lutter contre le gel par des artifices polluants (bougies entre autres) ne sont que quelques exemples qui illustrent à merveille sa détermination et ses convictions.


Pas étonnant qu'à la dégustation nous tombons sous le charme. Des vins profonds, intenses, précis dotés d'une incroyable fraicheur. Des vins qui nous parlent et qui ont une âme. Voilà le résultat de seulement 3 ans de travail dans les vignes et dans le chai, car Vanessa n'a repris le domaine qu'en 2019 seulement ! Entourée d'une dizaine de copains qui ont été assez fous pour la suivre dans son aventure, la philosophie et l’énergie qui s’en dégage sont splendides. Cette symbiose se retrouve dans les vins, qui témoignent d'une harmonie globale forte. À la dégustation, tous les vins nous impressionnent. Un style droit, pur et dense, de grands vins élaborés à base de Chenin, le cépage de prédilection de Vanessa. Ronceray se démarque par son charme plaisant est sa texture consensuelle (coup de coeur de Kieran), tandis que Grande Pièce (coup de coeur de Pierre), plus large, impose par son volume et sa structure. Pour l'anecdote nous avons dégusté Grande Pièce pour la première fois aux côtés de Brézé blanc du Clos Rougeard, et aucun des vins n'avait à rougir face à l'autre.


Le rachat du domaine n'aurait pu se faire sans l'aide d'un investisseur, qui a tout misé sur cette jeune vigneronne ambitieuse et déterminée. Un plan de restructuration du vignoble de 10 ans est mis en place. Le vignoble est alors morcelé en 44 parcelles par identité de terroir et 33 lots, chacun ayant sa propre identité. 50 000 pieds seront ensuite plantés et complantés avec du matériel végétal de grande qualité et le travail du sol sera repensé dans ce domaine où le labour était intensif. Vanessa explique que le but est d'aller plus loin que la certification en Biodynamie Demeter. Elle désire avec son équipe mener une démarche environnementale profonde et réelle en intégrant la biodiversité au cœur du domaine et l’agroécologie à la base de chacune de ses réflexions.

Un domaine déjà grand sous beaucoup d’aspects.


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