
C'est l'automne, les vendanges sont terminées, les vignes jaunissent, et avec elles une ambiance maussade et mystérieuse s'installe. Mais la beauté est toujours là, immuable, au coeur de la Côte de Beaune entre Chassagne-Montrachet et Saint-Aubin, où résident les plus beaux Chardonnay du monde.
Fouler les terres de ces villages emblématiques a quelque chose de symbolique. Pour les vignes qui s'y épanouissent depuis des siècles, et pour ces lieux authentiques, que rien n'a su bouleverser. Comme si le temps y était figé.
Année après année, les vendanges se suivent mais ne se ressemblent pas. Les aléas deviennent de plus en plus récurrent et les vignerons font face à des intempéries et épisodes climatiques extrêmes. De quoi donner du fil à retordre à ces femmes et hommes qui travaillent la terre, si proches du terroir. Car le vin ne naît pas dans la bouteille. C'est une année entière de travail qui est récoltée en quelques jours. Autant vous dire que l'enjeu est considérable. Surtout après des millésimes comme 2021 où le gel n'a laissé que peu de raisins sur les pieds et a ôté à de nombreux vignerons l'espoir d'une cave pleine.
Heureusement que 2022 s'est montré plus généreux. Un millésime où qualité et quantités sont en parfaite harmonie. On a l'impression que les planètes sont alignées, tout du moins en Bourgogne. Car d'autres régions ont hélas été, une fois encore, moins chanceuses. C'est la loi de la nature, celle qui dicte l'abondance mais aussi les injustices au gré d'une météo parfois capricieuse.
Au Domaine Ramonet, niché au coeur du village de Chassagne-Montrachet, 2022 se montre prometteur. Hormis quelques pertes, l'ensemble de la récolte est qualitative, et permet de pallier un millésime 2021 frugal.
L'accueil au Domaine est toujours aussi chaleureux. Une famille bienveillante, passionnée et extrêmement généreuse. La simplicité ici est synonyme d'authenticité et de sincérité. On voit toute l'équipe qui s'active, main dans la main, pour faire perdurer les traditions familiales.
La dégustation en cave prouve une fois encore l'excellence des vins du Domaine, figure incontournable du paysage Chassagnais. Nos coups de coeur portent sur les Chassagne 1er Cru Les Caillerets, Les Boudriottes et Morgots. 3 Climats exceptionnels à l'origine de vins nobles à l'équilibre parfait entre la rondeur du Chardonnay, et l'expression saline du terroir calcaire. Des vins amples, généreux et majestueux qui semblent s'inscrire dans l'éternité.
Avec la visite du Domaine Hubert Lamy à Saint-Aubin, l'un de nos rêves d'amateurs de vin se réalise. Des vins que l'on pense inatteignables et mythiques. Comme beaucoup de Domaines en Bourgogne aujourd'hui malheureusement. Pourtant ce n'est pas une question de volonté, mais plutôt de disponibilité car la demande pour ces vins n'a d'égal que leur prestige. Et c'est ce qui en fait un produit rare et convoité.
Pourtant ces propriétés sont tout ce qu'il y a de plus humble et de plus authentique. Olivier Lamy est un vigneron passionnant et passionné par la vigne. Il travaille ses 18,5 hectares de vigne comme son jardin, en bichonnant chaque pied pour exploiter tout leur potentiel. Nous avons été particulièrement touchés par son discours humble sincère. À l'ère du green washing et de du "tout bio", Olivier est avant tout un vigneron réaliste qui cherche à minimiser son impact sur l'environnement, tout en étant conscient qu'il est impossible de le réduire à zéro et qu'il faut sans cesse faire des choix. Prendre les bonnes décisions, ou tout du moins les moins mauvaises, c'est en cela qu'Olivier se distingue. C'est sa personnalité, et il ne s'en cache pas. Rien ne sert de cultiver en bio si à côté de cela on roule en 4x4 et on va promouvoir ses vins à l'autre bout du monde. Sa vision, c'est d'être le plus cohérent possible dans ses faits et gestes, et surtout de prendre du recul sur les pratiques, les tendances et les modes. Il n'y a pas de réponse absolue à ces problématiques contemporaines. Il faut rester humble et accepter une certaine fatalité.
La dégustation en cave fût un moment hors du temps, et en même temps d'une simplicité réconfortante. Car le vin c'est cela, des moments de partage autour de bons vins. Les Frionnes et En Remilly, deux Saint-Aubin 1er Cru, nous impressionnent. Deux profils très distincts mais réunis par une forme de complémentarité. Dans un style plus austère et marin, Les Frionnes ne se livre pas immédiatement et se montre timide. Sa salinité rend le vin magnifiquement sapide et tendu, un vin tout en longueur, droit et sérieux. En Remilly, par son exposition sud, est plus flatteur. Il révèle un doux mélange beurré et épicé dans un écrin opulent, concentré et plus immédiat.
Avec un peu d'âge (2014) Les Frionnes nous emmènent dans une autre dimension. De son attaque droite et franche, qui rappelle son origine, découlent des notes de torréfaction, de noisettes. On retrouve cette salinité végétale en finale qui rend le vin si digeste. Une merveille qui nous fera méditer le reste de la soirée.
Comments